« on a tous une Lula dans nos cœurs,
on a tous une lame de rasoir.
Qui vient pour nous tailler le cœur,
et ma sale gueule dans le miroir.
Lula tu sais quand t'es pas là,
tu sais moi j'fais nimporte quoi.
Sur mon tricycle en roues arrières,
j'voudrais bien aller voir la mer. »
— SAEZ.

22 HIVERS ♦ WHERE IS MY MIND ♦ LONDRES

L'instantiation ? je l'ai découverte parce qu’il me fascinait, avec ses drôles d'idées. Pour tout vous dire, ce manège c’était juste pour lui faire plaisir. Puisque ce rêve éveillé, il me fait peur. Les ombres surgissent, et veulent m’engloutir. Elle veut me tuer et moi je lui crie de m’achever. Mais lui, il ne l'accepte nullement. Il l’interdit. Il dit que c’est pas fait pour les poupées, ce qu'il y a en bas. Que c’est pas fait pour Lula. Que c’est pas fait pour moi. A mon avis, il est effrayé de ce qu’il pourrait y trouver, c'est pourquoi moi j’me dis que pour le sauver, j’ferais mieux d’y aller. Comme ça, Lou, il viendra me chercher. Vous savez, comme les princes qui sauvent les princesses. La sorcière, pour sûre qu’elle attendra là bas. Mais si elle n’y était pas, on perdrait l'intérêt du jeu à trois. Lula - dit t'il - Lula ne me quitte jamais, tu n'a pas le droit. Lula - répète t'il - Lula ne part jamais, sinon je sortirai un flingue et j'appuierai sur la détente. Je me ferais péter les tempes, en pensant à toi. Lula - murmure t'il - Lula pleure pas, tu sais qu'on a encore le choix. Aujourd'hui, si je continue de m’y adonner, c’est dans l’unique dessein de le voir rayonner. Dans cet univers insensé, il sourit et m’illumine. Alors qu’enfermé dans cette tenace tangibilité, malgré mes efforts, il reste un clown triste qui me fait mal. Si j'ai un totem ? Et bien c'est une évidence, comme la ballerine qui danse. Un briquet recouvert d'argent, le loquet se lève et le gaz s'échappe. Aussitôt le feu ardent jailli comme des entrailles des enfers. Seulement, lorsque je rêve, la flemme rouge orangée qui - il est certain - continue de brûler, devient verte aux nuances bleutées.

UN PERE NOËL POUR CENDRILLON SANS ESCARPINS

« Ce monde n’est pas pour moi. Ce monde n’est pas le mien. »

Elle observe les apôtres du mal, elle lorgne les visages apathiques des dégénérés splendides. Ballotée dans le néant en constance mouvance des délires amères, foule qui vous avale et vous déchire. On se rit d’elle, on l’insulte et on lui crache dans le dos. C’est une poupée moderne, crevée entre quatre murs. Elle le sait admirablement au fond, qu’ils veulent l’attacher les pattes en l’air, direction l’abattoir. Elle est une rêveuse triste, une toxico en manque de sensations. Une gamine perdue, que les gens bouffent avant que les guiboles maigrichonnes ne cèdent sous le poids de la vie. Elle cherche l’origine de ses troubles. La fillette réclame une pénitence. Elle gerbe le poison sur quiconque l’effleure, elle n’a que du venin dans la tête. La môme est la créature sans âge et sans nom. Le monstre qui vacille et vous choppe à la gorge. Un chien enragé tournant en rond. Elle songe longuement, assise sur le banc d’un parc. Les feuilles tanguent devant son corps malade, elles valsent aux grès des courants d’air. Désert immense, étendu de tulipes et de jonquilles à perte de vues. Une rêvasserie cruelle, pour laquelle on la traite de vaniteuse. Puisque sur sa figure, rien que de l’arrogance et de la moquerie. Un sourire délicieusement en coin, et des yeux qui vous hypnotisent comme le serpent s’acharne à vouloir vous conquérir. Lula, mais c’est quoi ce prénom à la con, qui n‘a pas de racines, qui voyage à travers les siècles sans trouver un véritable propriétaire. Ni Dieu, ni Maître, c‘est une évidence. Tu comprends, Lula c’est les nuits rouges et les nuits blanches. Une luciole coincée dans une tombe, un oiseau qui s’agite dans une trop petite cage. Quand on vient pointer à sa porte, sûre qu’on est tous un peu cinglés. Lula, elle est belle comme un accident de bagnole. Lula, elle est folle. Elle vous détruit à peine vous touche t’elle, parce que c’est ce qui l’anime. La souffrance des autres, ça la soulage des chaines raisonnantes dans le silence transcendé, qu‘elle traine sans le désirer. Elle supplie la déraison de ne pas le quitter, elle est son unique véritable amie. Intime et douce fleur à la fragrance ultime.

Puis elle se lève, la gosse mal nourrie avance d’un pas chancelant vers le but de son existence précaire. Sa psyché se détraque car elle le cherche. Elle perce la marée qu’offre les passants, les pousse et les frappe. Désespérée, ses iris grelottent d’épouvante. Impossible qu’il se soit évaporé, on ne gomme pas une obsession à la manière de ratures sur une page blanche. De la lumière à l’ombre, elle croise les ténèbres. Entre les mots, tout se mêle et s’emmêle. Les nomades avaient pourtant prédis le chaos, qui l’enivrerait. L’infini du gouffre sacré, elle s‘y adonne de l‘ensemble de son âme. Pourvu qu’on lui offre une dernière fois son plaisir secret. Son unique caprice. Immergée dans la mer déchainée, se noyer juste pour voir ce que cela fait. L’éphémère devenant éternité. Divine ascension, d’un ange déchu. Soupir d’une condamnée à vivre, souffle étouffé d’une victime haletante. Ses yeux se baladent au dessus des hommes, la pointe de ses pieds est abimée à l‘intérieur de ses ballerines bon marché. Ca lui fait monter jusque dans les cuisses une douleur redoutable. Les vents la poussent et l’attirent, elle s’incline alors que le cœur ne demande qu’a en finir. Artificiel, et artifices. Pétards et pétales à l’odeur nauséabonde. Tant qu’il est avec elle, tant qu’il est à genoux, elle n’en a rien à faire, elle se laissera faire. Lula, elle est la Marilyn et la Marie. La sainte ou la catin, après tout, les deux se valent bien. Rasoir tranchant se fourrant amoureusement sur la trachée, un geste exagérément brusque et la barbaque pourrait se mouvoir en fontaine de rubis, spectacle sublime aux reflets d‘infini. Mirage tremblant, où les distorsions s’agglutinent aux réalités exhibées. Ce sont des sirènes qui lui chantent de savoureux louanges. Elle gaspille le sens et la logique, Lula, elle occulte le tangible pour mieux le deviner au coin de la ruelle. Flingue sur ma tempe, tu le sais que tu peux appuyer. Au moment où tu veux, éclate ma cervelle. Donne la couleur de l’amour aux murs immaculés. Tapisse la porte et peint les lampes d’une carmin frais.

Lula est le diable sous un masque de porcelaine. Une tragique chimère vous faisant miroiter les plus fabuleux trésors. Elle susurre de sa voix brisée, aux creux des oreilles, elle promet la lune et vous vole le cœur. Chipie ou peste. Menteuse croyant dur comme fer à ses fadaises. Lula, elle vous emporte en prenant la main tiède qui traine le long du corps. Elle court au milieu des voitures, en riant à s’en époumoner. Lula, elle n’a pas conscience du danger, car si il est auprès d' elle ; flirter avec la mort ajoute à son fugitif bonheur, sans aucuns remords. Lula, elle est mélancolique et désenchantée à se damner. Cette fille, elle a pas d’avenir, elle a pas non plus de passé. Elle fait de la randonnée, et s’esquive dès que ça devient compliqué. Pour subvenir à ses besoins, l’enfantine marguerite joue sur les envies de son prochain. Et on la paye plutôt proprement. Rondelette et coquette somme, ou désespérantes pièces qui s’entrechoquent dans un bruit métallique. Ceci dépend de son état, ça dépend aussi de l’endroit. Lula, tandis qu'elle crèvera, personne ne le verra.

Il était un petit navire, qui n'avait ja-ja-jamais navigué ... Son crie , un déchirement. Une mélopée immonde, qui sans saveurs s’envole pitoyablement dans l’atmosphère. Les ongles grattent le sol, les murs et le lambris. Elle dépose sa marque sur chaque parcelle de terre et de bois. Elle s’amuse et virevolte, amenant dans sa chevauché la confusion et l’abomination. N’éprouve t’elle donc aucune honte ? Se complait t’elle dans sa démence latente ? Lula est portée disparue. Oublier rapidement, s’échapper et annihiler la possibilité de se lier à ses comparses. Prise de panique, elle farfouille dans ses poches, cherche ce qui la fera s’éveiller. Il faut effacer l’immatériel, la folie ne doit pas si vite l’attaquer. Marmonnant à la manière exacte d’une décérébrée, la voilà qui piquerait une crise. L’absinthe doit pénétrer ses veines, immédiatement. Un bucher vivant, survivant, périssable. S’efforçant à ne plus le lorgner, elle oblige sa logique à reprendre le dessus. Il n’existe pas, il n’est que le fruit de sa fertile aliénation. Trop tard, car beaucoup trop tôt. La vénus n’avait pas prévu pareille rencontre, illumination, hallucination. Une chimère infecte, qui agite les babines, remue la langue, parle et grogne. Prenant entre ses doigts sa tête hurlante, elle la secoue de droite à gauche, la faisant inépuisablement pivoter comme pour l’en détacher de son socle. C’est la marche mortuaire, le commencement du deuil. Les puissants l’accueillent, l’attrapent et la tirent. L’enfant se laisse emporter, elle marche vers l’éternité. Soulevant ses graciles membres, Lula est une araignée, aux longues mandibules prêtes à infliger leur morsure. Pas après pas. Secondes soigneusement écoulées. Le silence est le maître de sa mouvance, l’immoralité le guide de sa déviance. Gouter à son aura, absorber son flux jusqu’à s’en saouler. Je n'ai pas le choix. Non, on a jamais le choix.

LES ANGES N'AIMENT PAS DEVENIR VIEUX

Allongée dans l’ambulance, la jolie Lula pense. Prise de somnifères pour s’endormir, elle n’a pas fait attention au nombre auquel elle devait se tenir. Des fils et cathéters pendouillent de ses bras, les aiguilles ont perforé ses veines et injectent des produits qu’elle ne connait pas. Lula n’est pas méchante, mais putain ce qu’elle est chiante. Femme enfant, elle pause beaucoup trop de questions et ne se satisfait des simples réponses.

Cette fille là, on ne peut pas la décrire, elle est une esquisse de maître qui serait restée dans un coin de l’atelier, attendant d’être finie. Le peintre, il ne l’aurai pas le moindrement achevé, trop délicate, trop contradictoire, trop infestée par les mites et les marques de cigarettes. Impulsif animal, brebis galeuse d’une douceur à vous irriter les paumes de mains. Lula est un virus, qui infecte les malchanceux en sublimant leur vie l’espace d’un instant. Un instant, parce que dès qu’il lui vient l’envie de changer d’air, Lula disparait comme l’eau dans les canalisations. On ne tente de la retenir, elle nous échapperait encore plus vite. Friponne insouciante et inconsciente, tournoyant comme la lune autour de la terre. Lula hurle, pleure et frappe pour exprimer ce qu’elle ressent. Et ce qu’elle perçoit dans son petit corps maigre, c’est le néant intense, le vide puissant. Elle veut simplement partir et brûler, s’embraser d’un claquement de doigt. Elle veut qu’on la supplie, que l’on baise et qu’on l’aime comme un mensonge incrusté, tatoué, absurde. Lula est peut être dingue, détraquée. Lula est la psychose et la plaie. La poésie et les films d’horreur. Une savante mixture, dont il résulte la passion et la haine. Lula est le chant des fées, il court à travers les marécages ombragés et s’engouffre entre les vieux chênes centenaires. Lula n’est pas unique, elle est le résultat des mythes et des appétits furieux de l’homme et ses mystères entretenus depuis des siècles. Lula est une pensée qui se gomme ou se recouvre de neige quand vient l'hivers.

LES LUMIERES DANSENT DANS L'AMBULANCE

♦ ATARAXIE, vous savez ce que c’est ? C’est une maladie et j’en suis atteinte. Cette maladie, elle empêche d’avoir des problèmes, elle est comme un bras d’honneur qu’on lève en souriant. On raconte que cette tare est en vérité le reflet de l'intériorité humaine. On la qualifie de calme d’esprit, ou de tranquillité de l’âme. Rien ne peut véritablement me troubler. C’est comme si j’étais totalement anesthésiée émotionnellement. Je ressens les émotions des autres par une empathie très développée, mais n’éprouve pas d’émotion par moi-même, m’étant propre.

♦ LE FEU, c’est une obsession ont t’ils décrété. Oui, vous savez, les médecins pour les cinglés. Et ce, après qu’il me soit venu l’idée d'incendier une cabane de jardin d’un de nos voisins. Le problème, c’était pas vraiment la cabane, c’était surtout le chien qui était encore dedans. Mais je le jure ! Je ne le savais pas. Enfin, je ne me rappelle plus exactement. Le feu, je ne peux m’empêcher de jouer avec au moins une fois dans la journée. Toujours un briquet ou une boite d’allumettes dans la poche. Se brûler rappelle qu'on est encore vivant. Rêve ou réalité ? Pour moi ça n'a que peu d'importance.

♦ AUTODESTRUCTION, la belle au bois dormant aime marmonner « aïe … » . J’admire ceux dont on peut voir l’épouvante envahir les yeux et enfin les traits du visage. Cela me donne une impression d’être de connivence avec le malheur. Et puis aussi de compter un peu pour eux. Camée jusqu’à la moelle, je passe des drogues dures à la fumette comme on dégueule son repas dans les montagnes russes. Je m’ennuie, j’ai le spleen de Baudelaire. L’instatiation, se fut une jouissive découverte, cependant pas suffisante pour rassasier mes tripes. J’soupir trop souvent, et j’me pose beaucoup trop de questions. Ma tête fait mal, elle risque d’exploser d’ici peu de temps.

♦ INNOCENCE, faut pas croire, la garce reste accrochée à son siège, et est encore prête pour faire trois tours aux merveilles. A ce qu’il paraît, j’suis une gosse qui veut découvrir l’univers. J’suis fatigante et lunaire. On me croit fragile et fraîche. Un masque, sur un masque, sur un autre masque qui cache encore un masque. Lula, j’ai peur qu’elle n’existe finalement pas. Lula, c’est peut être juste un grain oublié à côté du bac à sable. La cigarette au bec, vautrée dans le canapé défoncé du salon, j’imagine un cosmos parallèle, où rien ne serait plus pareille. Sauf peut être lui, qui allongé la tête posée sur mes genoux, dort à point fermé l’air vaguement serein. J’voudrais le réveiller, pour lui dire tout ce que j’entends dans les grands films. Mais j’y arrive pas, les mots sont une purée ratée, les gâteaux à la fraises, je ne parviens pas à les faire.

♦ TRAVAIL ETRANGE, dans la nuit ou à l’abri des regards dans des ruelles noires. Je deal toutes sortes de pilules, d’herbes ou de poudres. Je m’évertue à donner entière satisfaction à mes clients réguliers, en dégotant la meilleure dope du marché à prix défiant toute concurrence. D’où une entière discrétion sur mes agissements, il ne s’agirait pas de révéler mon existence à des mecs plus hauts placés ou des poulets. Il risquerait de perdre la vendeuse de rêves et de chimères. La semeuse d’étoiles et d’arc en ciel. Toutefois, quand les temps sont durs, il m’est arrivé de jouer aux putes. Rien de bien palpitant, juste pour payer les factures et les doses qu’il me faut. On m’a avoué que mon problème était une bonne chose dans ces cas là, ça aidait. Pathétique n’est-ce pas ?

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