« Somebody told me you had a boyfriend who looked like a girlfriend... »
— the killers.

17 ANS ♦ STAIRWAY TO HEAVEN ♦ LONDRES

L'instantiation ? je ne l'ai pas découverte, c'est plutôt elle qui m'a découvert. Pour tout vous dire, je trouve cela fort excitant ! J'avais treize ans la première fois, je m'en souviendrai toute ma vie. Un moment magique. J'étais en colonie de vacances, sur une plage. A mon avis, c'est l'une des plus belles choses qui soit au monde, juste après les cheveux de Sonia Rykiel. Aujourd'hui, je peux enfin rêver comme n'importe qui. J'ai conscience que c'est une chance merveilleuse, un don. Si j'ai un totem ? Il s'agit d'un miroir de poche en forme de coeur. Quand je me regarde à l'intérieur et que je me vois avec le maquillage d'Aladdin Sane, je sais que je suis dans ma petite tête.

UN PERE NOËL POUR CENDRILLON SANS ESCARPINS

On a tous nos regrets, notre fardeau à porter. Tous, sans exception. Essayez de trouvez une personne qui n'ait pas eu le cœur brisé, ne serait-ce qu'une fois, vous n'y parviendrez pas. Même les enfants, ces petites têtes blondes bien connues pour oublier avec plus de vitesse qu'il n'en faut pour vous surprendre, portent toute leur vie les cicatrices de leur jeunesse. Vous seriez impressionné de voir à quel point le manque de nutella peut avoir un impact important sur l'humeur d'un de ces petits chérubins... Il y a cependant une différence entre tous ces gens écorchés vifs : la manière dont ils réagissent à leurs maux. Celle dans laquelle ils s'enfoncent, ou non, dans leurs abysses les plus profondes. Si plus d'un s'y noient volontiers, d'autres les surplombent avec aisances, et d'autres encore les ignorent de la plus belle des manières qui soit. Enola fait parti de ceux-là, et espérons que jamais il ne s'écroule dedans. Cela a failli lui arriver, quand il est passé de l'enfance à l'adolescence, mais il y a heureusement échappé. Inconscience ou magnifique pureté de l'âme, personne ne pourra jamais vraiment le dire. Toujours est-il qu'il n'a jamais bronché, il a toujours avancé sur le chemin de la vie le cœur léger et la tête haute, recouverte d'une jolie couronne de pâquerettes. La magie que peut renfermer un esprit, son esprit, vous foudroie dans un arc-en-ciel de rires et de baisers quand bien même vous pensiez le contraire. Peut-être parce qu'il n'a jamais su avant, comment faire pour rêver, qu'il a trop rêvé éveillé.

Je me souviens de Maman. Oui, je me souviens parfaitement d'elle, avec ses petits escarpins blancs, sa jolie robe bustier bleue et son brushing irréprochable. La plus jolie des mamans. Je sais qu'on dit souvent ça de sa mère, mais la mienne était vraiment fantastique. D'ailleurs, elle l'est toujours, même si nous nous voyons plus rarement. Quand j'avais sept ans, qu'elle était assise près de la cheminée et qu'elle me lisait des histoires, je la voyais souvent soupirer. Je m'imaginais alors pourquoi elle pouvait bien soupirer, et la question finissait toujours par sortir de ma tête avant que je ne parvienne à la lui poser. Quand la nuit venait mais que je ne parvenais pas à m'endormir, je me faufilais en-dehors de mes draps pour aller la voir et je la trouvais, assise près de la table à manger, en larmes avec le transistor à la main, jouant Yesterday des Beatles. C'était une chanson très triste que je n'ai jamais vraiment compris, en fait il y a pas mal de choses que je n'ai jamais vraiment comprises... Ma mère non plus, d'ailleurs.

« Que fais-tu là, mon Enola ? » dit-elle en séchant ses larmes avec des gestes assez brusques.

« Je ne trouve pas le sommeil... Pourquoi tu pleures, dis ? »

« Cela n'a aucune importance ! Là, regarde, je ne pleure plus, tu vois ? » Un temps. Un soupir. Encore une fois. « Pourtant dans ton sommeil tu devrais être heureux, voir des tas de papillons voler autour de toi, des princesses te murmurer des mots doux... »

« Je n'ai jamais rien vu de tout ça. Mais j'aime bien les princesses. J'aurais aimé être une princesse. »

Il se passe quelque chose d'étrange, je sens qu'elle me fuit du regard, pourtant elle cherche à me dire quelque chose, quelque chose qu'elle n'ose pas me dire.

« Que vois-tu, alors, ma princesse ? Tu ne rêves pas ? »

« Jamais. C'est noir, toujours tout noir ! »

« Oh ! »

« Mais ce n'est pas grave, Maman. Tu sais je préfère regarder les papillons qui sont sur tes robes, comme ça je peux mieux imaginer leur langage, je n'ai pas besoin qu'on me le dicte. Puis je sais très bien que je suis une princesse, puisque tu es une reine. Tu as une couronne au-dessus de toi, regarde ! »

Je pointe du doigt le lustre, ma mère sourit.

LES ANGES N'AIMENT PAS DEVENIR VIEUX

Son esprit est un étrange jeu de cartes. Chacune possède une couleur différente, correspond à une valeur différente. Il ne peut pas être le même avec tout le monde. Il ne possède pourtant qu'un visage. Mais il est également déguisé, masqué, peinturluré. Tant d'artifices qui viennent couvrir la personne qu'il est réellement, quand il ne veut pas se cacher. Quand il n'est pas effrayé. C'est souvent ce qu'on pourrait entendre de la bouche de sa mère, même si au fond, elle sait très bien qu'Enola ne se cache pas. Enola est lui-même, à chaque instant. Tous ces fards sont une partie de lui, non malgré lui car il aime sincèrement cela. Il aime ce qu'il est, même quand il se déteste. Paradoxal, me direz-vous ? C'est qu'au fond, il sait que jamais il ne changera. Il sait que toujours il restera Enola, le gentil Enola à la voix d'ange et aux chemises à fleurs. Non, il n'agit pas de la même manière avec tout le monde, mais c'est qu'on a trop joué avec lui, avec son coeur, alors il ne veut plus jouer de jeu. Il a encore mal, vous savez. Son coeur, on l'a griffé, broyé, explosé en un tas de petits bouts tranchants avec lesquels il s'est lui-même coupé. Tels sont les risques quand on aime sincèrement... Des risques dont sa mère ne lui avait jamais parlé et qui l'ont maintes fois surpris. Les garçons sont tous nuls. Il a eu beau l'entendre, il n'a jamais vraiment écouté. Timide tête de mule, naïf jouvenceau qui n'a jamais vraiment rêvé ailleurs que dans la réalité... Mais qu'est-ce qu'on l'aime. <3

LES LUMIERES DANSENT DANS L'AMBULANCE

♦ Enola adore assortir son vernis à ongles à son sac, c'est quelque chose d'important pour lui. Porter si possible quelques imprimés léopard ou à fleurs, aussi. That's the perfect deal.

♦ Il lui arrive de fredonner du David Bowie, du ABBA ou encore Huey Lewis & The News. Il voue un culte au Glamrock. Il a un don pour apprendre toutes les chorégraphies des clips, tournoyer autour des lampadaires londoniens. Dancing in the streets, yeah.

♦ Il ne sait pas comment prononcer Instantiation, il préfère dire rêver. De toute façon il n'a jamais su rêver autrement.

♦ Il complexe sur sa poitrine peu prépondérante. Les filles de Vogue le font rougir, et en même temps le rassurent.

♦ La meilleure défense réside dans un flacon Coco Chanel.

Spoiler: