Tu réagis comment, si la maintenant, je me mets a hurler KAWABUNGA?

Le rendez-vous est pris depuis longtemps, depuis que je lui ai dit que j'avais 10 heures a perdre dans la grosse pomme après la Comic-Con. J'imagine déjà sa tête. J'ai passé le week-end le plus d'enfer de ma vie, déguisé en super héros au milieu d'autres débiles fan de comics, c'est bon de sentir qu'on est pas le seul idiot sur terre. Au fond, c'est marrant les fan de comics, et suffit que tu sois déguisé et tu te fonds dans la masse. C'est pour vous hein? Moi j'ai pas a me déguiser, rien qu'a voir ma gueule on sait que j'aime ce genre de littérature. Et regarder les tortues ninjas a six heures du mat' le volume a fond pour réveiller tout le monde.
Enfin, aujourd'hui je la rencontre enfin, ma folie douce, ma demoiselle mailée. Elle va pas me reconnaitre, malgré la photo. Personne pourrait me reconnaitre... Même pas ma mère, Max' peut être? Et encore, c'est pas sur. Et pourquoi me direz vous, et bien parce que j'ai toujours pas quitté mon costume de super-héros a la mord-moi-l'noeud. Pourquoi dites-vous? Eh bien parce que j'ai trouvé moyen de jeter ma valise avec mes autres fringues du haut d'un pont. Et Paf ! A la flotte. Même pas de super-chien (ou de tortue ninja) pour le rattraper. Au moins, maintenant je sais qu'un sac ca flotte.
NOUS ATTERRISSONS A NY-bande de crétins-MERCI D'AVOIR VOYAGE AVEC- air rantanplan.
Mais j'men bats l'steak moi d'leurs messages d'accueil. Ce que je veux c'est la voir, même si ce n'est que 10 heures, même si le temps nous est compté. Nom d'une grand-mère en slip de bain ! J'ai pas appelé ce débile de Max'... Faut qu'il pense a bouffer, plutôt que de se rebrancher directement. Dans quel état j'vais encore le retrouver?
Allez, on descend de l'avion, dehors, je vais la retrouver. Toute suite au milieu de la foule je vais la reconnaitre. Oh et puis on va jouer un peu. Je m'avance vers elle, elle ne peut pas me louper dans ma tenue a mi-chemin entre la tortue ninja et le super-zéro. Le truc c'est qu'elle ne saura pas que c'est moi. Je me mets devant elle. Et je siffle "do mi sol do mi sol do si"... Oui, "répétons nos gammes et nos arpèges". Je lui ai dit que je sifflais tout le temps ca... Elle ne peut pas me louper. Une mesure, une deuxième et la dernière...

"-CouCou ! CouCou! CouCou!"

Bon, là, si elle ne m'a pas reconnu c'est qu'elle n'y mets pas du sien.

Elle s'était levée tôt, très tôt. Pour une fois, ce n'était pas un quelconque cauchemar qui l'avait réveillée, mais l'impatience. Aujourd'hui, pour la première fois de sa vie, elle allait voir en chair et en os son petit français, qui devait mesurer au moins vingt bons centimètres de plus qu'elle. Aussi étrange que cela puisse paraitre, cet illustre inconnu accro à son ordinateur avait fini par prendre une place importante dans la vie de la brunette. Et il était indéniable que c'était réciproque. Ils n'allaient disposer que de dix petites heures ensemble, aussi était-il préférable qu'elle n'arrive pas en retard pour aller le chercher. Et elle arriva effectivement à l'heure. En avance, même.

Poussée de toutes parts par la foule compacte de l'aéroport, elle se hissa sur la pointe des pieds, tentant en vain de distinguer la silhouette de Tristan. Mais il n'y avait rien. Rien d'autre que des braves hommes en costard cravate, téléphone collé à l'oreille et doigts compulsant des papiers. Et puis il y avait cette… chose. Alice ne parvenait pas à déterminer de quoi il s'agissait exactement. Quelqu'un s'était amusé à prendre l'avion vêtu d'un grotesque déguisement. Charmant. Durant l'espace d'un instant, elle refusa de se rendre à l'évidence. Cela ne pouvait décemment pas être lui. Mais après tout, il n'était pas franchement quelqu'un de décent. Peu importe. Elle préféra continuer de scruter la foule, ignorant royalement l'individu qui se rapprochait d'elle. Jusqu'au moment où elle reconnut ce que cet énergumène sifflotait. Non. Pitié, non. Il n'avait tout de même pas osé se pointer comme ça ? Visiblement, si. Elle fut tentée de faire demi-tour, mais son amusement était trop grand pour qu'elle fasse quoi que ce soit.

« CouCou ! CouCou! CouCou! » Elle éclata de rire. Un rire franc, qui ne s'était pas échappé d'entre ses lèvres depuis très longtemps. La scène lui paraissait tellement surréaliste qu'elle s'attendait presque à se réveiller, son PASIV installé dans un équilibre précaire à côté d'elle, son poignet la faisant légèrement souffrir à force d'être piqué. Mais non, elle ne se réveillerait pas. « Mon Dieu… Tristan ? » Il lui avait fallu quelques secondes avant de parvenir à dire ça avec sérieux. Elle se trouvait là, la tête levée vers une silhouette verdâtre, et elle avait de plus en plus de mal à rester impassible.

Un rire, aussi fin qu'une crécelle... Mais mon dieu, ou vais-je chercher mes comparaisons moi? C'est complètement foireux ! Au moins, je suis drôle, a en juger par sa réaction... De toute façon, c'est sur que déguisé comme ca, on peut susciter beaucoup de réactions, et je préfère qu'elle rie a qu'elle parte en courant... Pourquoi est-ce que j'ai jeté mon sac du haut d'un pont déjà? A part par connerie pure et stupide ? Enfin, faut pas chercher, je serais toujours comme je suis, je compte pas changer... Même pour les beaux yeux de ZA... Enfin, bon. Elle rit, et réussit a articuler quelques mots entre deux éclats « Mon Dieu… Tristan ? ». Je plissais les sourcils, ce qui ne devait surement pas se voir, et ôtait l'espèce de cagoule de plongée de ma tête... A l'air libre, on me reconnaissait mieux c'est sur... « Ton Dieu ? T'es contente de me voir a ce point-là ! Je suis flatté ! Mais, oui, j'ai pas encore changé de prénom, c'est toujours moi Tristan... Ah et désolé pour la tenue, c't'une longue histoire »
Oui, j'étais désolé, là bien que son rire me fasse chaud au cœur et que j'assume chacun de mes gestes, là j'étais désolé. J'étais chez elle, et je m'autorisais a lui mettre la honte de sa vie. Mais bon, ainsi va la vie... Et puis, c'te personnalité de foldingue que j'assume d'ailleurs, me colle tellement a la peau qu'il faudra bien, aujourd'hui réserver quelques trucs complètements barrés a la demoiselle. Elle n'est pas au bout de ses surprises.

Alors, en dix petites heures ensemble, on aura pas le temps de faire grand chose, mais on pourra parler, et dieu sait combien j'aime l'écouter parler. Comment ca, c'est la première fois que j'entends sa voix? C'est même pas vrai ! Vive Skype ! Mais c'est vrai qu'elle parait plus petite en vrai... C'pas grave, c'est elle. C'est tout ce que je demande. « Dis moi, tu sais pas ou je pourrais trouver du gruyère dans le coin? J'ai faim » C'est vrai en plus. Vous avez déjà mangé dans un avion? Oui, alors vous avez ma sympathie chers amis ! C'est dégueulasse la bouffe des avions, et puis celle des aéroports aussi. Merde a la fin ! Je veux du fromage ! Bon, je suis fou, n'y prêtez pas attention.... J'ai l'air d'un con, cosplayé en super-héros qui vient de descendre d'un avion. Je suis avec la dame de mes pensées, et étrangement, je ne pense qu'a bouffer. Ça fait peur, très peur. Mais, disons que je fais peur... Oui, les fous font peur, même si moi, je préfère faire rire.