« Ce soir, la pute, c’est toi. »
— 2046 de Wong Kar-Wai

VINGT-CINQ ANS ♦ DREAM RIDER ♦ LONDRES

L'instantiation ? je l'ai découverte au boulot. Un jour le boss m'a confié "une affaire" bien spéciale qui avait rapport avec l'instantiation. J'ai brillé et depuis je travaille toujours sur ça. Pour tout vous dire, je trouve que c'est trippant ... certes, flippant mais trippant, c'est toujours mieux que la merde qu'on me donnait avant. A mon avis, cette invention est une pure merveille mais il ne faut pas en abuser, je m'en méfie. Aujourd'hui, je vois ce qu'on peut faire avec, je gagne même ma vie grâce à ce truc et je peux vous dire que les résultats ne sont pas tout le temps beau à voir. Quoique ... Si j'ai un totem ? Oui, c'est une vieillerie. Une boussole qui appartenait à mon arrière arrière arrière grand-père ou un truc du genre. Si elle n'affiche pas le nord, je suis dans un rêve.

UN PERE NOËL POUR CENDRILLON SANS ESCARPINS

Ecrire pour partager. Ecrire pour s’exprimer. Ecrire pour rêver. Ecrire pour exister …
L’odeur du papier posé sur le bureau, paperasse s’empilant à cet endroit même, accompagné d’un café , lunette au nez, un stylo à la main, une clope à la bouche . La sensation de bien-être, lorsque ce même stylo, effleurant la feuille blanche de son encre, laisse l’imagination et les sentiments se matérialiser sur un simple bout de papier acheté dans un supermarché. Ici , maintenant, je suis là , songeant à mon parcours , à l’ensemble de ma courte existence, mesurant le degrés de mon insoutenable amour pour l’écriture, assise sur une chaise en bois, un bureau face à moi, dans un hôtel miteux londonien. Tremblotante, mon écriture parvient difficilement à s’encrer.
Entre nous, si ma vie n‘était pas un entassement de merdes empilés, je crois bien que je serais devenue écrivain. Quel putain de fatalité, quel destin. Croyez-moi, si je pouvais sauter du haut d’un pont maintenant, me jetant corps et âme vers cette délivrance qui m’est encore inconnue, cette délivrance mortelle, curieusement effrayante et apaisante à la fois, je le ferais. Mais non. Mourir la tête haute, le regard droit, sans remords, ni peine, mais pas en lâche.
J’en ai eu des rêves, oui. Me marier, avoir une grande maison, des gosses criant inlassablement à tue-tête " j’aime pas l’école "  , un chien et toutes ces conneries d’une naïveté absolue que la société abrutissante et égoïste nous a appris à espérer, à envier. Nous sommes les esclaves de cette hiérarchie manipulatrice et capitaliste. L’espoir et tout ce baratin sur les sentiments humains, toutes ces choses à blâmer pour ce qu’elles apportent, ce qu’elles font endurer à nos vies. J’en veux à l’amour, ce gros tas de merde puant qui te pourrit, qui te bouffe de l'intérieur, te brûle à petit feu pour faire endurer le plaisir. Le sien.
Dites-moi, avez-vous déjà aimer ? Aimer d’un amour profond, ardent, infinie, cosmique et puissant, éprouver la passion brûlante d’un amour sans fin ? Gardez-vous un secret intenable, consumant, dévorant l'essence même de votre vie ?

Autrefois, quand les gens avaient un secret et qu’ils voulaient le préserver, ils allaient à la montagne, creusaient un trou dans un arbre et ils y racontaient leur secret. Puis ils bouchaient le trou avec de la terre, et scellaient le secret à jamais.

*

Un ballet de feuilles mortes dansant, virevoltant au rythme du vent ; au loin, les clapotis d’un courant d’eau, ruisselant ; un silence de mort. La nature parle. Ecoutez-là, appréciez-là, contemplez-là comme elle est belle. L’herbe verdoyante parsemés de fleurs, un soleil tapant, une vue imprenable au-dessus d’un mont ; le paradis sur Terre. Un érable face à moi. Je m’avance et le scrute longuement. Finalement, voler des idées n’était pas un si mauvais job puisqu’il me permettait de voyager. Avant, des objets précieux, maintenant des rêves. Voleuse un jour, voleuse toujours. Un sourire amusé sur les lèvres, je tourne autour de l’arbre, intriguée par le tronc titanesque qui le maintenait. Mes yeux s’arrêtent sur un trou, creusé dans le bois. Je frissonne.
Absurde. Mais tentée cependant. Je m’approche, à quelques centimètres seulement de la cavité. J’appuie mon front contre l‘arbre, ferme les yeux délicatement et inspire intensément. Et si … ? Non, certainement pas.
Quel vie insignifiante, cruelle et injuste. Je rêve de cet univers imaginaire où tout est possible ; de cette chimère où je m’évade, loin de ce tourment, le retrouvé ; de ce monde où une deuxième chance nous est donné.
Blessés, trompés. Amour tragique, amour platonique. Amour oublié, amour dévasté.
Nous ne serons jamais comme eux.
Amour inassouvi, amour non épanoui.
Je relève le visage et me penche secrètement.

Pardonnez-moi, j’ai aimé.

LES ANGES N'AIMENT PAS DEVENIR VIEUX

Personne ne connaît Jane. Personne ne la connut. Personne ne la connaîtra.
D’une discrétion absolue et d’un silence immuable, la mystérieuse Jane s’obstine à garder pour elle son histoire et son passé. La silence est d’or, la parole est d’argent comme on dit.
Jane n’a pas d’amis, ni de famille et de petit ami ; elle n‘en veut pas, elle se complait dans sa solitude et son asocialité. A quoi bon ? Les gens qu’on aime finissent toujours par nous être arraché et alors, tout s’achève dans la douleur et la peine.
Jane est insensible ; l’amour, la colère, la tristesse, elle ne connait pas; du moins c’est ce qu’elle laisse paraître.
Professionnelle, bosseuse, sérieuse, intelligente, rusée, sans aucunes attaches et compassion pour la vie et les sentiments ; ce sont toutes ces choses qui font d‘elle l'un des meilleurs agents du marché. Autoritaire, autodidacte, dure parfois, Jane est réaliste et ne se laisse pas aller dans la rêverie.
Et Jane est glaciale. Jane est froide. Jane est cruelle. Jane est sensuelle. Jane est mutine. Jane est candide. Mais Jane est meurtrie.

LES LUMIERES DANSENT DANS L'AMBULANCE

LA CLOPE : Inspirer, expirer ; remplir ses poumons de cette fumée blanchâtre, la souffler d'un fil. Accro ? Certainement. Fumer tue mais qu'est ce que c'est bon.

L'INSTANTIATION : Bon ou mauvais ? Je n'en ai strictement pas la moindre idée, quoiqu'il en soit, je suis tenté de m'en servir. A des fins personnels cette fois-ci. Besoin de déconnecter un court instant de la réalité et de récupérer un semblant de quelqu'un qui m'est cher. J'hésite encore ... je ne sais pas.

L'AMOUR : L'arnaque de l'Histoire. Bon sang, quel enfoiré ce Cupidon.

LA FAMILLE : Plus aucun contact avec cette bande de pecnos irresponsables qui s'est bien payé ma tête durant toute ces années.

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