« Tonight, I'll show you how dreams are prepared : love, friendships, relationships. All those ships. »
— la science des rêves.

19 ♦ WHERE IS MY MIND ♦ NYC

L'instantiation ? je l'ai découverte un soir, on s'ennuyait à mort, on en avait marre de jouer à la poupée, alors on a trouvé les seringues... Pour tout vous dire, je trouve ça incroyable et magnifique e pouvoir faire des rêves quand on veut, comme on veut, avec qui on veut, et que tout soit heureux et lumineux dedans. A mon avis, c'est la plus belle invention du monde! Et c'est tellement mieux que la vraie vie et les vrais rêves dans lesquels on arrive jamais à avoir ce qu'on veut. Aujourd'hui, je ne peux plus m'en passer. Je deviens folle si je n'en fais pas au moins une tous les deux jours, c'est comme une drogue. Mes parents ont dit que c'était mal, que c'était l'enfer qu'on voyait, que c'était le démon qui nous droguait, enfin tout ça avant de me chasser de la maison. Si j'ai un totem ? C'est une petite tasse de thé miniature, mais je crois qu'on me l'a volée... Dommage elle était si jolie.

UN PERE NOËL POUR CENDRILLON SANS ESCARPINS

« Qu'est-ce qu'elle est mignonne ma petite soeur! » s'écrie Layla penchée au dessus de la petite Mona à peine née que tiens sa soeur ainée Lorna dans ses bras.
« Tu trouves pas quand même qu'elle a l'air de bouder? » demande Tamara en regardant la plus grande, celle qui doit avoir toutes les réponses, normalement.
« Mais c'est parce que c'est comme Mona Lisa, c'est le vrai nom de la Joconde, vous savez ! » répond Lorna, du haut de ses treize ans a ses petites soeurs émerveillées.
« Mais Papa et Maman ils ont pas dit que la peinture c'était profane ? » demande innocemment Gemma aux autres sans qu'on trouve à lui répondre.
Tant pis, on préfère caresser la joue de la nouvelle venue, la petite dernière, arrivée sept ans après Layla, qui se croyait à jamais être la dernière des filles Dalloway. Essayons d'aimer cette petite quand même. Et puis quand on est cinq soeurs et des parents dépassés qui ne pensent plus qu'à leur prochaine crise de nerfs, il faut savoir se serrer les coudes.
« Tiens tu veux la porter, Layla ? » Lorna la lui présente puis la pose dans ses petits bras sous son regard scintillant d'étoiles.
« Qu'est-ce qu'elle est jolie… »
« Et moi! » s'écrie Tamara, jalouse de sa petite soeur.
« Moi aussi je veux la porter !! » ajoute Gemma en se précipitant sur le bébé, avant que Lorna ne l'arrête.
« Faites attention, les filles, c'est fragile un bébé ! » Et elle la reprend dans ses bras, et lui chante une berceuse pour l'apaiser de toutes ces chamailleries de soeurs. Bienvenue dans la famille Dalloway.


« Lorna… pourquoi tu t'en vas ? » La petite main de Mona tente de retenir par la jupe sa grande soeur, pour qu'elle ne parte pas. Mais elle a déjà fait sa valise…
« Je dois partir Mona, c'est comme ça… »
« Mais je veux pas que tu partes moi… » Se serrant avec ses petits bras contre les jambes de sa sœur, Mona commence à pleurer. Les larmes se mêlant à la fatigue, sa voix devient inaudible. Lorna s'assoit à sa hauteur et la regarde dans les yeux.
« Je dois partir, tu sais. Je ne peux pas faire autrement. Il faut que je parte vite avant que Maman ne revienne... »
Lorna lève la tête en entendant les pas précipités de sa mère à l'intérieur de la maison, Elle dépose un bisou sur la joue de Mona, lui laissant une trace de rouge à lèvres sur la joue, et saute dans sa voiture.
Maman arrive et regarde un peu la voiture s'éloigner sans dire un mot, puis ne la regarde plus. Enfin elle se tourne vers Mona, qui ne bouge plus, tout en continuant de pleurer. « Mais qu'est-ce que tu fais dehors toute seule ! Rentre vite ! Oh et en plus tu as la joue toute sale, viens m'enlever cette saleté tout de suite ! »


« Ouh, si j'étais toi Mona j'aurais pas fait ça... » Prévient Gemma en passant devant sa petite sœur.
« Bah... quoi ? Qu'est-ce que j'ai fait? T'aimes pas ? » Dans le grand miroir, Mona passe en revue sa tenue, la robe rouge à pois blancs, les escarpins vernis rouge trop grands, son collier de perle, et du maquillage, ou plutôt du gribouillage sur visage.
« Non, moi j'aime bien, t'es trop mignonne mais... Maman diras pas la même ch... »
« MONAAAAAAAAA, ENLEVE CET ACOUTREMENT TOUT DE SUITE ! » Ah non elle dit même pas du tout la même chose. Gemma s'éclipse en vitesse dans la chambre, laissant Mona au prise avec celle qu'on appelle la harpie.
« Mais Maman... Je voulais... faire comme Lorna... Elle me manque Lorna. »
« Qui c'est cette Lorna, je ne connais pas de Lorna !! Et ce n'est surement pas une bonne fille si elle s'habille comme ça ! Une trainée ! Et tu vas finir comme ça, SI TU N'ENLEVES PAS CA TOUT DE SUITE ! » Violemment elle l'attrape par les manches et déchire la robe de feu la grande sœur.
« T'as pas le droit de dire ça de Lorna, Lorna c'est ma grande sœur qui m'aime... »
« TAIS-TOI et arrête de dire des sottises et d'inventer des choses qui sont pas vraies ! » Et elle lui met une fessée. Mais Mona sait qu'elle ne doit pas pleurer, sinon les fessées ne s'arrêteront jamais.


« Hé Cassis, tu crois qu'on peut s'asseoir sur le mur et regarder en dessous les gens qui passent ? »
« Ouais si tu veux, on s'emmerdera moins que dans ce trou à rat... » Mona esquisse un sourire et attrape Cassiopée par le bras pour l'emmener dehors. La maison est presque vide maintenant, toute les sœurs sont parties, pour les études, ou alors Maman a décidé qu'elles n'existaient plus. Il n'y a presque plus que Mona, qui mourrait d'ennui s'il n'y avait pas son amie Cassiopée.
Alors les deux filles vont s'asseoir sur le mur au bout de la maison, qui plonge de plusieurs mètres sous leur pied, jusqu'à la rue en contre-bas. Mona n'a pas le vertige, elle peut regarder, se pencher, elle n'a pas peur.
« Mince y a personne à cette heure-là... » Se rend finalement compte Cassiopée.
« Au moins on peut prendre le soleil. » Mona hausse un sourcil. Quel ennui, ici, c'est à s'en jeter par dessus le mur. Ah mince pas le temps, voici venue la harpie. Le sourire de Mona s'efface plus vite qu'un coup de vent, pour afficher l'expression apathique habituellement réservée à sa mère.
« MONAAA ! Mais ne vous asseyiez pas sur le mur, vous allez tomber ! Vous êtes folles ou quoi ? Descendez de la tout de suite ! » Les attrapant par le col, Mrs. Dalloway les fait redescendre violemment sur terre.
« Vraiment Cassiopée, tu as une mauvaise influence sur ma fille, va-t'en tout de suite ! »
« Maman, t'as pas le droit ! » Mais elle lui fout une claque.


« C'est... Incroyable. » C'est la seule chose qui arrive à sortir des lèvres et des yeux ébahis de Mona. Il y aurait pourtant tellement d'autres mots, comme magique, magnifique, fantastique, tous ces trucs en ique, mais non, il n'y a que incroyable qui arrive à sortir.
« Et pourtant c'est... vrai, on ne rêve pas. » lui réponds Cassiopée, tout aussi émerveillée.
« On ne rêve pas, c'est réel tu crois? » Mona essaye de se pincer le bras, puis les joues, puis les jambes et de se frotter les yeux, mais la prairie flamboyante dans laquelle sont assises les deux filles ne disparaît pas. « C'est... Incroyable. »
Mona jette un coup d'œil autour d'elle, pour voir l'immense monde qui s'ouvre à ses yeux. Immense, c'est le mot, immense alors qu'une seconde plus tôt elle était enfermée dans une petite chambre d'une petite maison de la banlieue londonienne. Ici, pas de parents, pas de voitures, pas de vaisselle à faire, rien. Rien que les blés, rien que Cassiopée, rien que... tout ce qu'on veut. Au loin, Mona voit se dessiner des silhouettes, qu'elle reconnaît même si elle ne les a pas vues depuis ce qui lui semble être des lustres. Plus elles se rapprochent, plus elle reconnaît leurs visages, qu'on avait essayé de lui faire oublier, mais non, elles n'ont pas pu s'en aller. Elles sont restées là, auprès d'elle.
« Lorna ! Tamara ! Gemma ! Layla ! » les appelle-t'elle. De loin elle voit qu'elles lui sourient avant de s'évanouir dans l'air, ainsi que le champ de blé doré.
Retour à la petite chambre exigüe, que c'est triste. Mona essaye de se pincer à nouveau les bras, les joues, les jambes, recommence plus fort encore, mais cela ne marche pas. « C'est... pas drôle. » C'est déjà fini, l'instantiation est déjà finie. Non elle ne l'est pas, Mona reviendra voir ses soeurs qui lui manquent tant. « On recommence quand tu veux. »


« Tu pars à New York alors ? Pourquoi tu veux pas rester ici, avec nous ? C'est bien Londres aussi. » demande Mr. Dalloway à sa fille, brisant l'ambiance toujours aussi lourde et froide du repas du soir où il ne faut pas parler, parce que Dieu ne voudrait pas, il ne faut même pas faire de bruit avec les couverts.
« Encore un coup de cette mauvaise graine de Cassiopée je parie. » ajoute Mrs. Dalloway.
« Non, Non, rien à voir avec elle. C'est juste que... c'est une ville plus motivante pour l'histoire de l'art. »
« Ahah, c'est ça... Si tu veux y aller, vas-y, mais tu n'es plus notre fille. »
La phrase fait l'effet d'une bombe dans la tête de Mona, qui en perdrait presque son éternelle moue d'ennui pour fondre en larmes. Mais non, ils ne méritent pas de larmes. « Vous n'avez plus aucun enfant maintenant, dommage pour vous. On a jamais été vos filles de toute façon. »
Mona se lève de table et quitte la maison le soir même.


« Vous venez pour le job ? »
« Oui, j'ai besoin d'un petit boulot, pour payer mes études, vous savez... » réponds Mona, un peu gênée, un peu timide, comme toujours. « Ça m'avait pas l'air trop... dégradant, ou fatiguant ce que vous proposez. »
« On verra bien, je ne peux rien vous garantir. Je suis désolé. C'est dangereux quand même, ces choses-là. »
Une jeune fille normale aurait prit ses jambes à son cou, mais Mona ne bouge pas, le danger elle s'en fout. Tant qu'il y a de l'instantiation à la clé, elle ne dit rien.
« Je vais donc vous demander de m'assister dans des expériences sur l'instantiation, vous connaissez? » Mona hoche la tête et sourit. Première fois qu'elle donne un sourire à ce jeune homme qu'elle connait à peine. Cela pourrait paraître assez rapide, mais au diable les bonnes manières. « J'espère ne pas trop vous faire de mal. » Leurs sourires se répondent.
« Gabriel Vaughan. »
« Mona Dalloway. » Elle lui présente sa main.
« Mrs Dalloway ? Enchanté ! » Avec un petit sourire malicieux, il serre sa main.
« Oh pas de Mrs, s'il vous plait, je ne suis qu'une Miss. »

LES ANGES N'AIMENT PAS DEVENIR VIEUX

Mona ne vaut pas le détour. Mona ne veut pas qu'on la remarque, qu'on l'aime, qu'on la craigne ou quoi que ce soit d'autre. Mona s'en fout toujours royalement de ce qui peut se passer dans la tête des autres, et même dans la sienne. Mona est juste une banale fille sur laquelle il n'y a pas lieu de s'appesantir. Elle fait la moue tout le temps, avec ses grands yeux ouverts qui semblent ne jamais vouloir cligner, souvent avec un air triste. Elle vit lentement, elle vit dans son monde. Il n'y a vraiment rien à y trouver, les gens passent et c'est tout, et ça ne la désole même pas. Qu'ils fassent ce qu'ils veulent après tout. Car Mona a son petit monde, et il lui suffit.
Pourtant, cela n'est qu'une facette de Mona, celle d'un monde, celui qui est tout gris. Et dans sa tête s'ouvre un monde tout coloré où elle sourit. Peu de monde le voit. Il n'est pas secret pourtant, elle veut bien l'ouvrir à qui vient le chercher. Mais c'est un peu comme pour tout le monde, un petit jardin rien qu'à soi. C'est un peu comme tous ceux qui se sont perdus à cause de l'instantiation, elle est plus heureuse dans sa tête, enfin dans la réalité du rêve. Bien sûr elle s'y est perdue, elle croit maintenant que le vrai monde c'est celui immense qu'on ouvre avec une seringue dans le bras, ça en devient presque banal.
On pourrait presque dire que Mona est schizophrène, tant ces deux parties d'elle-même sont éloignées, et cela simplifierait bien des choses de mettre un nom sur cette folie, puis de la jeter dans un asile, mais ce n'est pas si simple. Non, c'est juste Mona. Et ben Mona elle est pas grand chose.

LES LUMIERES DANSENT DANS L'AMBULANCE

♦ Elle a toujours un air ahuri. Soit complètement apathique, soit de tarée complète, avec les yeux grands ouverts comme si elle n'allait jamais les refermer. Elle ne parle que très peu, ne regarde personne, sauf dans les instantiations. Mais ne serait-ce pas plutot l'inverse?

♦ Depuis toute petite on lui a inculqué toutes les bonnes manières british, alors elle ne peut pas se passer de son thé du matin, qu'elle boit avec le petit doigt en l'air, of course!

♦ Elle a toujours peur d'écraser des escargots quand elle marche, alors elle fait toujours bien attention.

♦ Elle a beau avoir été élevée avec les meilleures manières qui soit, il lui arrive souvent de faire de grandes crises incontrôlables ou elle casse toute la vaisselle, et éventre toute la nourriture du frigo. Mais non, c'est pas une détraquée je vous assure! Elle ne touche jamais aux boites de thé d'ailleurs, c'est sacré.

♦ Elle adore toujours se déguiser, que ce soit en princesse, ou en Peter Pan, dans la rue, dans les instantiations. Elle voudrait toujours rester une petite fille sans jamais grandir.

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