« I can see it your eyes you're hurting, but pain is part of learning who you are, all these truths can sometimes be deceiving when your whole world comes crashing to the ground »
— LIFEHOUSE undone.

23 ANS ♦ DREAM RIDER ♦ LONDRES.

L'instantiation ? je l'ai découverte par mes connards de frères jumeaux. Pour tout vous dire, le grisant sentiment de pouvoir a vite spolié mes premières peurs. Je ne saurais vous dire quand, exactement, mais ce fut le regard de Romain qui me força la main. Empli de certitudes, boursouflé d'orgueil et d'assurance, ses yeux bleus m'ont décidée et il m'est encore impossible, aujourd'hui, de considérer sa machination comme de la manipulation, bien que ça ait causé, malgré nous, la perte d'Avril. Timon et James sont un peu dans les vapes, ne réalisent pas vraiment, et moi j'exulte devant leur stupidité. À mon avis, le discours des dangers de la manipulation du subconscient humain vous aura été servi trop de fois pour que vous en disposiez de nouveau. Je n'ai pas envie de vous insuffler de grands élans moralisateurs et philosophiques- la carte de l'hypocrisie est d'un ennui abyssal. Rêver, en soi, n'a rien de récriminant. Nous ne sommes sûrement pas les premiers à qui il est arrivé de telles histoires, et il n'y a pas besoin de l'instantiation pour être victime de ses limites. Aujourd'hui, je ne sais pas vraiment si j'ai encore besoin d'elle, si l'appétence me happera une nouvelle fois. Mes frères m'y invitent, parfois, et je les y suis, sans omettre de leur en rappeler les dangers, entre deux rires, entre deux regards complices. Je n'ai rien à me reprocher, merde. Si j'ai un totem ? Pas encore, j'estime les limites suffisamment claires dans mon esprit pour penser à m'y perdre.

UN PERE NOËL POUR CENDRILLON SANS ESCARPINS

« Avril était une fille bien. Oh, elle était magnifique, épanouie dans ses jolies petites robes, sublime dans les bras de Lou mais peut-être un peu trop fragile, je ne sais pas. Je ne me permettrais pas de l'accuser de négligence et puis ce n'est peut-être pas le temps de lui ouvrir les yeux. Ils n'étaient pas fait pour l'instantation, nous si. On pensait les y voir s'échapper tout en s'éclatant, se construire une vie plus cool, une vie sans contrainte. Timon et James ne comprennent pas, ils n'en ont peut-être pas la force. Et puis moi, certains détails me frappent, sans que j'en comprenne la raison. Les yeux de Lou, un peu trop cernés, sa démarche un peu trop défaitiste, son espoir, aussi fort qu'une hystérie. Il est un peu faible, il ne veut pas comprendre, il ne veut pas réaliser. Peut-être qu'il a peur de se perdre, une nouvelle fois, une fois de trop, la dernière, sans doute. Je n'ai rien dit à Timon et James. Ils ne sont après tout pas sensés tout savoir. Alors j'essaie, je m'accroche, m'impose, prend de la place. Même s'il doit- après tout- être passé à autre chose, même s'il pense encore au corps et à l'odeur de sa copine quand il se mouve dans des filles sans visage. Je n'ai peut-être- volontairement- pas cherché à savoir, peut-être que je me force à oublier le monde entier quand je le regarde. Il se doit de redevenir le garçon angéliquement effronté, passionné et tranquille, indolent et délicat. J'en fais une affaire personnelle, qu'il baise avec la fille de Madonna ou Paris Hilton.

Y avait un truc qui me choquait, étant gamine. Mes inconscients de parents avaient choisi de placer ma chambre juxtaposée à celle de mes frères, et jusqu'un certain âge, cela ne m'a pas spécialement dérangée. Alors que nous étions au collège et que je les surprenais à fixer une fille ou ses attributs un peu trop longtemps, quelque chose m'a semblé bizarre. Rentrée à la maison, les bruits qu'ils produisaient dans leur chambre m'avaient toujours laissée sceptique. Bien plus tard, je compris non sans mal qu'ils étaient de fervents adeptes de la masturbation, réfrénant sans cesse une moue de dégoût pendant quelques jours lorsqu'ils m'approchaient. Mais il faut croire que je m'y suis rapidement habituée et que ça ne m'a même plus spécialement dérangée – puis j'ai finalement réalisé que le sexe masculin avait aussi d'autres fonctions.

Je ressemble beaucoup à mes frères, excluant Romain qui est plutôt solitaire.
Mes parents ne vivent ni dans l'opulence ni dans la détresse. Ils n'ont aucune particularité notable, aucun talent spécifique ni un passé particulièrement reluisant ou glorieux. Des gens normaux pour des enfants triplés et un aîné désaxé. James est plutôt du genre jaloux alors que Timon, lui, me couvrait, lorsqu'adolescente, je faisais le mur ou entretenais mes premières relations amoureuses. Puis nous sommes rentrés en art et nous avons été contraints de déménager, j'ai alors délibérément choisi de prendre un appartement pour moi toute seule, même si je savais que mon esprit de contradiction notoire me conduirait toujours chez Timon et James.

À part la découverte de l'instantation, rien de très exceptionnel n'a peuplé ma vie. Je suis tombée amoureuse, j'ai souffert, je me suis révoltée, j'ai été triste. Rien de très émouvant, rien de très poignant. Les études d'art ont été un véritable déclenchement à ma passion et à mon sens expressif. Je n'ai jamais, je crois, autant apprécié être contrainte de m'assoir sur une chaise et écouter un adulte soliloquer et s'échapper de son quotidien, attraper un pinceau et en barbouiller le visage du voisin. Mais Lou prend de plus en plus d'importance dans ma vie, et plutôt que d'en m'agacer, je le réalise de manière très neutre, sans doute trop. C'est un peu flippant, tout de même. »

LES ANGES N'AIMENT PAS DEVENIR VIEUX

« Et tes rêves ?
- À la poubelle, je n'avais pas choix. Mais mes frères jumeaux les entretiennent encore, je le vois dans leur sourire, dans leur regard.
- Menteuse.
- J'étais obligée de faire des concessions et d'échanger ma franchise contre un renoncement superficiel.
- Ce n'est pas ennuyeux ?
- Non … Tout simplement parce que je n'ai pas fini de jouer. »

Nine est une intrépide petite battante.
Elle vous parle sans concession avec un aplomb et un cynisme qui n'ont égaux que sa douceur et sa patience. Ses yeux verts miroitent, un sourire prend forme sur son visage, vous la sentez heureuse et épanouie. Nine ne cache pas de souffrance intérieure, déteste se poser en victime et aime dire les choses telles qu'elles sont, aimant pourtant, parfois, se complaire dans le rôle d'une fausse ingénue stupide et faussement inexpérimentée. Timon et James lui ont tout appris, d'un regard sur les fesses bien moulées d'une inconnue, d'une réunion soi-disant très masculine, de commentaires salaces prononcés entre deux rires gras.

Comme un garçon, Nine ne prête pas attention à son récurrent manque de finesse, aimant dire les choses comme elles le sont. Bien qu'elle fasse des études d'art, elle possède un culte du réalisme assez désarmant, détestant se plonger dans des réflexions qui, à son sens, pourraient être « superficielles », basées sur des chimères, baignées dans une complaisance du malheur qu'elle juge dérisoire et désespérante. Nine ne possède aucune attache matérielle parce qu'elle est capable de se lancer dans des projets loufoques et impossibles.

Elle considère que rien n'est chose acquise et aime se plonger dans l'instant présent. Loin d'être une grande sensible comme beaucoup la soupçonnent, Nine est rancunière et peut être méchante, involontairement ou non. Il n'est pas rare qu'une dispute l'oppose à Timon qu'elle estime assez immature, a contrario de James avec qui elle partage une immense complicité. Persuadée que s'épancher sur ses malheurs en déclenche d'autres, Nine suppute que la confidence est un fléau, puisqu'à son sens, cette dernière déclenche une dépendance à autrui qui est risible.

Parallèlement, Nine hait la solitude. Si ce ne sont pas ses frères qui l'accompagnent, elle trouve toujours le moyen de s'occuper dans des soirées, même peuplées de gens stupides, sans jamais s'en lasser si c'est pour combler un instant en solitaire. Concernant ce qui est arrivé à Avril, Nine pense sans s'en cacher que quoi qu'il lui soit arrivé, ils n'en sont pas responsables, et trouve dommage que Lou s'accroche désespérément, n'hésitant pas à le voir quand il semble avoir du temps à lui consacrer. Résolument inconsolable, il paraît hermétique à toutes ses tentatives, cependant, Nine s'y brûle peut-être les ailes ...

LES LUMIÈRES DANSENT DANS L'AMBULANCE

♦ Magritte est son artiste favori.

♦ Toute en raffinement, Nine ne fume et ne boit pas.

♦ Il lui arrive très souvent de chantonner sans raison apparente, sans pour autant chanter juste.

♦ Elle adore ses frères même si elle passe la plupart de son temps à les critiquer.

♦ Nine peut à la fois déborder de vulgarité et regorger de finesse.

Spoiler: